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Ur skop war ar plastr

Le jacobin planque son chauvinisme derrière un universalisme abstrait.

L’accélérateur de particules jacobine ou le trou noir culturel

Texte a paraître dans le Huchoer n°22


 Je viens d’apprendre, et j’en suis désolé une nouvelle fois, que la soif d’égalité culturelle animant bon nombre de militants sincères, progressistes ou révolutionnaires n’était qu’un absurde et rétrograde combat réactionnaire. Retour, démontage d’un texte paru dans Anarchosyndicalisme ! #107 et publié sur le site internet de la CNT AIT de Tolosa sous le titre « mélange ou différence ?».


Lu, relu, re-relu… il n’y a rien à faire. Militant anarchiste, allergique à toute domination, fût-ce –t-elle culturelle, le texte d’ « un militant de la CNT AIT de Toulouse » me laisse sceptique. Je ne peux m’empêcher de me sentir visé, puisque largement favorable au développement des langues et cultures minoritaires, mais sans autant me reconnaître dans cet empilage de poncifs plus hallucinants et maladroits les uns que les autres. Le premier malentendu, entretenu tout le long du texte, consiste à ne jamais citer explicitement les groupes mis en cause. On se contente de qualificatifs à l’emporte pièce censés englober tout ce qui pourrait toucher de près ou de loin les militants culturels, les mélangeant au passage aux militants cultuels, ce qui n’arrange pas une situation déjà peu claire : « les identités, les communautés dont il est question ici » (on ne saura jamais lesquelles) ; « les identitaires » (jouant implicitement sur le fait que « identitaires » se rapporte à un mouvement politique d’extrême droite) ; « les identitarismes » ; « des représentants d’associations diverses de défense des racines culturellesdes intérêts politiques et religieux qui prônent la conservation des cultures » ; « le communautarisme » ; « ces ensembles communautaristes » ; d « habiles opportunistes »… Nous nageons en plein complot communautariste.

La contamination semble plus sérieuse que prévu, d’autant que selon l’auteur, pour de « nombreux militants résiduels du marxisme cette « culturisation » est présentée comme une façon de résister à un capitalisme qui leur semble tout emporter ». Pour bien démontrer que défendre sa langue en situation de domination est au mieux absurde, et au pire réactionnaire, l’auteur n’hésite pas à manier les sophismes : « En France les députés, dont la majorité est faut il le rappeler, sarkozyste (et donc parfaitement réactionnaire) ont même voté récemment une loi de reconnaissance de langue régionale dans le patrimoine national. En politique la « reconnaissance » n’est pas un terme innocent. C’est une pratique héritée de la féodalité : celui qui reconnaît est ainsi sûr d’être reconnu en retour ». D’une part de très nombreux députés de gauche (pas réputés sarkosystes et donc pas réactionnaires ?) ont également voté la loi, d’une autre penchons-nous sur le mot qui semble faire trembler d’horreur notre camarade de Tolosa : « reconnaissance ». Car cette pratique « héritée de la féodalité » ne semble pourtant pas trop déranger notre militant lorsque sa propre section de la CNT AIT demande dans un tract (qu’il a lui-même certainement distribué) « la reconnaissance de la section syndicale de la CNT » , ou bien lorsque lui et ses camarades expriment l’importance pour les ouvriers d’obtenir « la reconnaissance de [leurs] droits par la lutte » etc.… Doit-on comme l’auteur de ce papier en tirer des conclusions plus qu’hasardeuses ?
Sophisme toujours : nous pouvons lire dans le texte que ce n’est pas un hasard si « l’apparition du débat autour des cultures dans le mouvement social à été concomitante avec le triomphe de l’idéologie politique et des pratiques sociales qui entendent le capitalisme comme indépassable ». Ceci est, d’une part, une affirmation plus que vaseuse et d’autre part nous laisse entendre que tout débat concomitant avec cette période ne serait donc pas le fruit du hasard ? L’auteur enfonce le clou et ajoute qu’un individu « se [réclamant] d’une identité issue d’un patrimoine » (sic) ne remettrait pas en question le mode d’organisation capitaliste. A moins de ne pas faire partie de la même planète, il me semble que de nombreux mouvements situés bien à gauche de l’échiquier politique défendent leur culture tout en remettant en cause le mode d’organisation capitaliste. C’est le cas des mouvement anarcho-indépendantistes (en Bretagne, en Sicile, en catalogne au pays basque…), c’est le cas des « nombreux militants résiduels du marxisme » cités par l’auteur himself… et c’est notamment le cas du mouvement zapatiste et de tellement d’autres ! Mensonge donc.

L’auteur part du principe que des groupes (dont on ne le répétera jamais assez, nous ne saurons jamais rien sinon qu’ils se réclameraient d’ « une » communauté), font appel à la notion de culture, terme qui de part sa polysémie permettrait à ces groupes d’avancer masqués facilitant ainsi la confusion. L’auteur pourtant joue lui-même sur la polysémie du terme « identité » rendant confus son discours et lui permettant d’englober des réalités bien différentes : « la notion d’échange culturel (…) est parfaitement opposée aux intérêts politiques et religieux qui prônent la conservation des cultures ». La sentence est tombée. Quelque soit ta couleur politique, le fait de défendre ta culture te rend illico inapte à l’échange culturel, dixit « un militant de la CNT AIT de Toulouse » qui pour tout échange culturel te propose lui, ni plus ni moins, que les cultures écrasées par la culture dominante continuent de l’être et crèvent. Bel échange culturel venant de l’adepte de l’échange culturel. Mais, non content de t’apprendre que tu n’est pas doué pour l’échange (et au passage que tu aurais des accointances avec le pape ou le mollah Omar), l’adepte de l’ « échange culturel » nous apprend en plus que nos langues sont d’insignifiantes crottes qui salissent le parquet de la bienséance francophone : « le pouvoir (…) peut leur accorder de doubler les plaques de rues en un patois improbable ». En face d’un tel défenseur de l’échange culturel on ne peut il est vrai que s’incliner. Surtout quand ce dernier, qui vient si joliment de prouver son intégrité culturelle et sa maîtrise de la matière linguistique, vient s’improviser linguiste. C’est ainsi qu’on apprend qu’une langue qui naît doit nécessairement en détruire une autre : « les langues donc sont issues de la destruction de celles qui l’on précédée », et de s’appuyer sur le latin. Doit-on a nouveau s’incliner devant une telle rigueur scientifique ? Quid du breton (qui n’a pas détruit le gallois dont il est pourtant issu), ou du créole qui ne sera pas n’en doutons pas à l’origine de l’agonie du français etc. Passons une nouvelle fois. Nous lisons plus loin que « les langues ne sont pas issues du conservatisme et de l’obscurantisme nécessaire au pouvoir ». Or cet argument donne implicitement raison à ceux qu’il combat. S’il est bien une langue défendue âprement d’une manière obscurantiste et conservatrice c’est bien celle dans laquelle j’écris cet article. Et le pouvoir honni ne se trouve pas dans les mains des locuteurs occitans, basques ou gallo. Ce pouvoir parle, écrit, et protège le français de telle manière que n’importe quel militant anarcho-syndicaliste intègre ne peut rester indifférent face à l’injustice faite à nos langues. Le militant anarcho-syndicaliste est trop au fait du processus de domination pour ne pas voir dans la politique linguistique de l’Etat français une réelle volonté d’écraser et de supprimer nos cultures. Malheureusement ce dernier, qui va s’insurger contre ce processus lorsqu’il se déroule au Chiapas ou à Oaxaca, préfère, en France, faire oublier sa position dominante en enveloppant les dominés conscients dans un seul et même paquet réactionnaire. Le voila soulagé. Il a bonne conscience.
Non seulement il n’est plus responsable, mais il va pouvoir continuer à justifier cette domination car « ceux d’en face » sont « réactionnaires ».

En résumé, je viens d’apprendre coup sur coup que locuteur et défenseur d’une langue menacée de mort notamment par une politique linguicide :

- c’est moi qui par ma coupable résistance au rouleau compresseur francophone suis responsable « d’entraîner des divisions dans la population ». Pour paraphraser Anatole de Monzie : « pour l’unité de la France, la langue bretonne doit disparaître »… (Et pour lutter contre le racisme, on éradique les allogènes ?).

- Je récupère le vocabulaire des lumières comme la tolérance et l’égalité pour « faciliter la confusion ».

- J’accepte le capitalisme bouche ouverte

- Je suis un « frustré » qui « s’adonne au culte du Pater ».

- Mes intérêts rejoignent ceux de la curaille ou du rabbinat etc.

N’en jetons plus. Heureusement que le ridicule ne tue pas. Et malheureusement, ce genre de texte caricatural, mensonger, manipulateur risque de conforter les plus vigilants défenseurs des langues et cultures dans leurs à priori négatifs vis à vis d’orgas libertaires au lieu de les y amener.
Pour ma part, il me conforte dans l’idée que le jacobinisme, qu’il soit chevènementiste, anarcho-syndicaliste, Max-galloiste etc. est l’expression chauvine d’une domination qui ne fait - au contraire de ce qu’elle semble défendre - que conforter à son tour l’idée de division. Quoi de plus normal que de vouloir fuir un état, un mouvement… qui refuse d’accepter l’autre dans toute sa différence à moins qu’il se dépouille de sa propre expression culturelle ?
Reconnaît-on ici l’essence libertaire qui doit nous animer ? Je n’ai pas lu ici un éloge du mélange - ici opposé aux différences - (mais que mélanger quand il n’existe plus de différence ?) mais un appel à la standardisation. De sorte que tout particularisme est vécu ici comme une agression dans la société parfaite, unique, monolingue francophone, mono culturelle qu’on tente de nous imposer. Ici, pas de générosité… mais un libéralisme culturel débridé.
Chacun pour soit, les plus forts, les plus puissants, les plus armés gagnent. Les plus faibles n’ont pas le droit au RMI culturel. Les fins de droit linguistiques sont priés d’aller faire la manche ailleurs que sur le beau trottoir francophone. Quand on lit tant de contres vérités, tant de sophismes et de démonstrations bancales, on en arrive à la conclusion que la réaction n’est pas toujours à la place où l’on aimerait bien la voir.

» ; «
(Vous pourrez retrouver le texte en son intégralité ICI )
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Y
<br /> Je viens de passer faire un tour sur le site de la CBIL. Bon, toujours pas de version en arabe de la plateforme.... J'en déduis que malgré les promesses de la CNT-AIT, vous n'avez toujours pas<br /> recu la traduction promise? Je trouve qu'au bout de trois ans, leurs excuses bidons du style "nos activités nous retiennent loin de nos ordis" sont un peu minables...<br /> <br /> <br /> Au moins maintenant, je sais ce que vaut la parole des responsables de la CIT-AIT: rien. On pourra toujours dire que ce rien vaut toujours plus que ce qu'ils déblatèrent sur les langues<br /> régionales à longueur de pages internet (preuve que contrairement à ce qu'ils disent plus haut, leurs activités ne les retiennent pas bien loin de leurs ordis...).<br />
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A
<br /> <br /> En effet, rien de rien. je pense que le jacobinisme est décidemment une maladie pernicieuse qui contamine toutes les couches de la societé, meme les plus improbables.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
Y
>> Ur sapre poan benn 'm'eus tapet o lenn kement a zivizhoù<br /> Héhé mais t’as encore rien lu …c’était juste une mise en bouche, maintenant le plat de résistance sur: <br /> <br /> http://forum.anarchiste.free.fr/viewtopic.php?f=10&t=543&st=0&sk=t&sd=a<br /> <br /> …8 pages et >150 commentaires sur ce meme texte de la cnt-ait!!!... j’ai pas réussi à tout lire. Ce que je retiens, c'est que visiblement tous les anarchistes sont pas sur la ligne de notre gars de la cnt-ait.<br /> <br /> >>N'och ket ken pell an eil eus eben, war a seblant ...<br /> quand même, pour ce qui est des langues régionales, y a un fossé entre les 3, 4 articles de la cnt-ait Toulouse (genre « les identaires ATTACquent », « Galice : amis de la patrie et ennemis des travailleurs », etc…) et les positions de Torr e benn.<br /> <br /> >> hag-eñ ne vo ket ankounac'het ganin warc'hoazh ?<br /> l’anarcho-syndicalisme peut-être pas, mais ce mal de tête ?? :) (en tout cas, désolé pour la longueur de mes posts sur ce fil…)<br /> <br /> >> c'hwi 'zo daou "benn kalet"<br /> je sais pas si je suis inclus dans ce « ‘fi », mais comme je l’ai répété inlassablement á ma grand-mère quand j’étais gosse: « c’est pas vrai, chu pas un penn kalet! » ;)) Ok, bon seulement un peu alors...
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N
Va Doue beniget ! Ur sapre poan benn 'm'eus tapet o lenn kement a zivizhoù. N'och ket ken pell an eil eus eben, war a seblant ... Un dra 'zo sur, c'hwi 'zo daou "benn kalet", ha ne vint ket torret a-raok pell !<br /> <br /> (Eh, trugarez deoc'h, gwech ebet n'em moa bet klevet eus an "anarchosyndicalisme", bon, hag-eñ ne vo ket ankounac'het ganin warc'hoazh ? Se 'zo un afer all ! ;-)
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T
<br /> <br /> :)<br /> Marse omp tost a-walc'h evit tra-mañ-tra. Biken ne vimp moarvat war plas hor yezhoù.<br /> Po ket 'met lenn ar pennad-mañ bet skrivet gant e vignoned : http://cnt-ait.info/article.php3?id_article=52<br /> <br /> Evit pezh a sell ouzh an anarko-sindikalism, eo ret gouzout e oa e penn ar stourmoù sindikel e fin an XIX vet kantved. Da skouer, Ar CGT d'ar c'houlz-mañ a oa<br /> kentoc'h troet davetañ. Diaes e ijinañ oa anarkourien e penn ar CGT, met mod-se 'mañ ;)<br /> <br /> Brudet eo bet ivez e-pad brezel Spagn e 1936 pa oa ar CNT e penn ar stourm a-enep Franco.<br /> <br /> Kalz diwezhatoc'h e bro-c'hall eo bet rannet ar CNT e daou. Diouzh un tu ar CNT AIT ('vel ar paotr 'meus bet miser gantañ) ha diouzh un tu all ar CNT Vignole (Ar re<br /> se n'o deus ket a gudenn gant hor yezhoù peurvuiañ ;) )<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
Y
Pourtant au-dessus, je lis bien: >>Je veillerai à ce qu'on puisse rendre la pareille<br /> <br /> Hmm, s’agissait il d’une « promesse improbable » ?? :)
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T
<br /> <br /> Oui... bah...<br /> voila voila quoi. :)<br /> Je pense qu'il s'est "un peu" foutu de moi sur ce coup-là. Je l'ai relancé mais je peux toujours courir je pense. :)<br /> Et je continue de croire qu'il ne parle pas un traitre mot de cette jolie langue ;)<br /> <br /> Message à toi, arabophone de la CNT AIT.. sérieux, c'est pas gentil gentil de me faire autant languir non - Ou de m'avoir menti tout court..? ;)<br /> <br /> <br />
Y
Eh ben comme quoi... tout espoir n'est pas perdu: on peut avoir une certaine confiance dans les anarchos-syndicalistes!!
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T
<br /> oui, jusqu'à un certain point puisqu'à l'heure d'aujourd'hui, je n'ai par contre toujours pas reçu MA traduc :)<br /> <br /> <br />