Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Ur skop war ar plastr

Le jacobin planque son chauvinisme derrière un universalisme abstrait.

Le féminisme, Les luttes de libération nationale, sont-elles solubles dans la lutte des classes ?



« Deux fois prolétaires parce que breton, le Breton ne sera aussi révolutionnaire que breton ». M. Lebesque

« La femme et le travailleur ont tous deux ceci de commun qu’ils sont des opprimés ». Bebel

 

Rendre les femmes dépendantes fut la première tâche de l’homme pour pouvoir mieux l’asservir. L’homme devint  le « protecteur », celui contre qui l’on ne peut aller sans y perdre de plumes, ou son confort. Les bretonNEs auront le même sentiment d’allégeance vis à vis de l’Etat français : c’est celui qui leur donne du travail, qui les éduque… sans se poser la question pour les unes comme pour les autres qu’ils/elles  n’ont tout simplement eu le choix ou la possibilité de forger leurs propres outils de création, d’expression, de travail. Elles/ils se retrouvent de fait, acculés à rendre l’hommage lige à leur pourvoyeur de ressource et finir par trouver cet état de fait relativement normal. Les Bretons furent déclarés « deux fois français » par le gouvernement français de 1919 car ils versèrent plus de sang que n’importe quel hexagonal lors de la première guerre mondiale. Les monuments aux morts, scandaleusement biens fournis et remplis en Bretagne sont érigés comme autant de pense-bêtes quotidiens : «Votre sacrifice ne fut pas vain : votre sort est définitivement mêlé à celui de la France».

 Mais ne pas se révolter, autant pour les femmes que pour les bretonNEs,  c’est alors choisir le chemin le plus facile, le moins semé d’embûche, le moins contraignant. On laisse son destin entre les mains de l’autre, l’homme ou le colon. Les problèmes existentiels n’existent plus. CertainEs ont  choisi le chemin inverse. Celui qui laisse des marques, sinueux, en butte aux moqueries de ceux et celles qui ont décidé de ne pas lutter, un chemin où l’on prend beaucoup sur soit. Mais ce chemin, aussi difficile soit-il reste celui de la liberté. Les femmes ont appelé cette route « féminisme », les autres,  « lutte de libération nationale » ou « indépendantisme ». Ces deux luttes parallèles parfois convergent, ou se mêlent au gré des conflits, des conjonctures.

 

La naissance du féminisme, des luttes de libération nationales… commence par une prise de conscience, la conscience d’un paternalisme qui n’a que trop duré.

 

La colonie germe sous nos cranes, les flics sont dans nos têtes

 

« Il est à propos que le peuple soit guidé et non pas instruit : il n’est pas digne de l’être ». Voltaire

 

Pour affirmer sa supériorité, le maître déprécie, rabaisse, impose son image : la femme devient puérile, frivole, bavarde, dépensière, le Breton quant à lui est têtu, alcoolique, bon chrétien. Les années passent et ce discours est intégré, digéré, jusqu’à en devenir réalité. Simone de Beauvoir nous le fait remarquer : « Quand un individu ou un groupe d’individus est maintenu en situation d’infériorité, le fait est qu’il est inférieur» 1. Et voilà femmes et bretons qui gaiement finissent par devenir ce que leur bon maître veut qu’ils/elles soient. Ces mêmes femmes, ces mêmes bretonNEs deviendront même les gardienNEs de leur propre aliénation. N’y a-t-il pas pire antiféministe qu’une femme elle-même ? Leur aliénation leur procure, il est vrai, quelques avantages :  le chien apprivoisé n’aura plus à chasser pour se nourrir, même si, en échange, il aura droit à une belle laisse limitant tous ses mouvements.

 Mais peut-on en vouloir à ces hommes et ces femmes ? Apres tout, l’histoire des femmes a largement été écrite par les hommes, celles des bretoNEs par la France et ses valets, les colonisés qui s’ignorent. Les mêmes qui assez bien moulés dans leur identité toute neuve, s’évertueront à ethnocider le dernier rempart de leur intégration définitive, comme ces bribes éparses de culture indigène :  leur propre culture. «Je suis français moi» m’entendais-je attaquer alors qu’aucun dialogue n’avait encore été engagé. Ce qui justifiait une telle colère, et une telle assurance ? Un bout de papier qui avait le malheur d’être bilingue. Entendez : breton-français. Afficher la langue bretonne, sa langue, au vu de tous et toutes suscitait chez ce breton un sentiment de rejet total : ce bout de papier écrit dans la langue des vaincus lui rappelait simplement qu’il n’était pas de la race des maîtres, des gagnants,  des champions du monde de football... La faire disparaître même symboliquement revenait à faire disparaître les stigmates d’une tare supposée.

 

Combien de fois n’avons-nous pas entendu un « comment ? De quoi les femmes se plaignent-elles ? Habitent-elles en Afghanistan ? Quoi, les bretonNEs se rebiffent ? n’habitent-ils/elles pas le pays des droits de l’HOMME ? en Démocratie ? » Ces mesquineries ne sortent pas toujours de la bouche de ceux et celles que l’on croit. Et certainEs frères et sœurs de lutte après nous avoir cloué le bec de cette manière, s’en vont ensuite se gargariser de luttes sociales…

 

Car oui, en matière de féminisme, de lutte de libération sociale, pour ces gens, nous habitons en démocratie, en terme de lutte sociale, ce même pays devient pour eux une véritable dictature.

 

Mais, en plus elles parlent ! (et pas toujours en français)

 

Les hommes se sont accaparé toutes sortes de prestiges. Ce sont les prix nobels, les inventeurs célèbres, les peintres célèbres… et même les matières où sont remisées les femmes, tel la couture ou la cuisine, leur sont volés par les grands couturiers, les grands chefs.. Les femmes sont des bonnes à rien, on vous l’avait bien dit ! Et que dire de Marie qui même pas fichue de forniquer se retrouve quand même enceinte…d’un gars qui sera l’alibi parfait d’une secte qui évincera systématiquement les femmes de toute décision, de tout savoir ! Celles qui en savent un peu trop finiront sur un bûcher.

Les antiféministes, les anti-indépendantistes  nous objecteront alors quelques grammes de réussites sensés gommer les tonnes d’injustices : unetelle n’a-t-elle pas accedé à la celebrité ? Ne peut-on pas passer le breton au bac ? Oui et alors ?

Les femmes sont-elles suffisamment représentées dans la société ? Combien de femmes sont-elles à prendre des décisions ? La langue bretonne est-elle officielle ? Pourquoi devrions nous vivre notre moi, ce qui nous construit, d’une manière facultative ?

Nous ne voulons pas d’un peu de lest, ni d’un aménagement de nos droits et libertés. Une laisse qui passe d’une longueur de deux mètres à dix mètres restera une laisse. Nous nous sommes déjà débarassé de notre muselière, nous nous déferons de nos dernières entraves.

 

Monopoliser la lutte des classes

 

                « Par exemple, les luttes régionalistes, que ce soit l'Occitanie ou la Bretagne, qu'on ne doit pas considérer comme du folklore, mais auxquelles il faut restituer leur vraie dimension, qui est une dimension sociale ; elles peuvent être liées à un combat politique, mais elles ont quelque chose de très spécifique, de même que notre lutte féministe ». S. de Beauvoir

 

On refuse souvent le caractère social de la lutte des femmes et de celles de libérations nationales. Les tenants de la lutte des classes voudraient-ILS garder le monopole des luttes ?

Les libertaires français reprochent à nos luttes de cacher un chauvinisme dangereux, de receler en son sein une idéologie nauséabonde. Sans cesse nous devons nous expliquer, expliquer à quel point nos luttes ne sont pas celles qu'ils veulent qu'elles soient, en quoi elles ne sont pas incompatibles avec une émancipation sociale, en quoi elles sont complémentaires. Mais, à notre tour posons des questions : Qui peut affirmer que le courant libertaire sera respectueux des femmes, des minorités nationales ? La position de certainEs anarchistes et de certains mouvements libertaires me feraient penser le contraire. Le mépris parfois affiché pour nos luttes n'a d'égal que leur dogmatisme niveleur. Phallocrates les libertaires ? Jacobins les anars ?

Qui peut oser affirmer aujourd'hui que la lutte des classes effacerait toute domination sur les femmes ?

L'asservissement des femmes par les travailleurs serait-il plus acceptable que celui d'un capitaliste ?

UnE bretonNE doit-il/elle acquiescer lorsque unE ouvrier/ère déclare que sa langue-déchet n'est bonne qu à rejoindre les poubelles ? Y a t il une différence entre traiter une femme de "putain", un noir de "sale nègre", et unE bretonNE de "sale plouc" ?

"Jamais les théoriciens révolutionnaires n'ont fait pour les femmes ce qu'ils ont fait pour les ouvriers, c'est à dire déterminer les fondements de l'exploitation économique et de la domination idéologique ."2

Ceci est par contre faux pour les luttes de libération nationales…mais à condition qu'elles se déroulent le plus loin possible, sous des contrées plus exotiques de préférence. Le droit des peuples à disposer d'eux- même devient proportionnellement égal à la distance qui les sépare de nous en quelque sorte.

Nous n'avons en effet aucune gloire, aucune fierté à tirer de notre nationalité, de notre sexe, de notre condition sociale, mais nous devons apprendre à ne plus en avoir honte, et surtout ne pas profiter de sa situation de dominantE, linguistique, sexuelle, de classe pour opprimer l'autre. Car l'autre n'est pas toujours celui de couleur, l'autre n'habite pas toujours dans les cités HLM. Le dominant lui ne porte pas toujours la cravate.

 

 

Des femmes ont dit ; le peuple dominé lutte contre l'impérialisme, l'ouvrier lutte contre son patron, la femme lutte contre tout oppresseur.

Une lutte des classes occultant les luttes de libération des femmes ou bien nationales reviendrait à accoucher encore une fois d’une monstruosité se parant des atouts du progrès social. Elle ne serait qu'une lutte inachevée parmi tant d'autres. Cela revient à se crever les yeux pour se conforter dans l’idée que cela n’existe pas. Mais les injustices ne disparaissent pas en les niant. Il n’y a pas d’injustice plus urgente qu’une autre, car ce qui est injuste tue, d’une manière ou d’une autre, et vivantEs nous le sommes plus que jamais !!

 

 1 Le deuxième sexe

2 Annie C. "Les révolutionnaires, Thionville et nous" in Les Temps Modernes

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
N
Une sympathie des otages envers leurs geôliers ? Au moins les vrais otages sont-ils conscients de leur condition, tandis que les femmes en général s'accomodent de la leur. Par contre, bien que XY et Breton, je trouve plus insupportable l'insulte "sale putain" que "sale plouc". Qu'en est-il du point de vue d'une Vreizhadez XX ?
Répondre
N
"Une laisse qui passe de deux mètres à dix mètres restera toujours une laisse" : continuons à tirer dessus ! Celui qui la tient finira par la lâcher ! (sinon on peut toujours mordre, aussi !). Tout cela est bien vrai, et bien visible. Ainsi, dans la religion catholique d'aujourd'hui, ce sont les femmes qui soutiennent le plus les thèses les plus réactionnaires, alors que cette église leur refuse toute prise de responsabilité. Cela m'a toujours intrigué, toutes ces bigottes s'acharnant à maintenir les représentantes de leur sexe en état d'infériorité. Mais s'il ne restait plus que la religion catholique comme seul système sexiste, les choses n'iraient, somme toute, pas si mal que ça !
Répondre
T
<br /> <br /> Un syndrome de stockolm général serait-il la cause de notre asservissement volontaire ?<br /> <br /> <br /> <br />